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  • Patrick Chauvel, rapporteur de guerre : le choix de l'image et de la transmission
    Le journaliste français Patrick Chauvel est dans L'atelier des médias pour un grand entretien. De la guerre du Vietnam à celle menée actuellement par la Russie en Ukraine, il a couvert des dizaines de conflits. Avec Steven Jambot, il revient sur son parcours, l'évolution du métier de reporter de guerre, l'archivage de ses photos au Mémorial de Caen et sa démarche auprès de tous les publics pour raconter la guerre et ses effets. Patrick Chauvel, 76 ans, aime rappeler qu'il est issu d'une famille de « conteurs ». Il a très tôt choisi la voie du reportage, pour vivre les récits qui avaient bercé son enfance. Après un passage formateur à France-Soir, où il a notamment travaillé pour la rubrique Les potins de la commère, une altercation avec Roman Polanski lui a valu d'être renvoyé. Le patron du quotidien, Pierre Lazareff, lui offrit cependant l'argent nécessaire pour s'envoler vers le Vietnam où il arrive juste avant l’offensive du Têt, en 1968. Face au scepticisme de son père qui lui prédisait des difficultés financières et lui rappelait que « la reconnaissance c'est pour les photographes morts », Patrick Chauvel était arrivé à Saïgon muni d'un aller simple.  L’évolution du métier et la peur de rater l'histoire Travaillant en argentique avec peu de pellicules, Chauvel a développé une précision extrême, loin de la « gâchette facile » du numérique actuel. L'envoi des films vers Paris était une épreuve logistique, nécessitant parfois de confier les précieux paquets à des passagers d'avion ou même d'utiliser un cheval pour atteindre un point de rapatriement (comme il l'a fait au Salvador). Ce reporter tout terrain a été blessé à de multiples reprises, des cicatrices pour autant d'« incidents de parcours ». Il cite d'ailleurs une phrase de Napoléon : « Se faire blesser ne prouve qu'une chose, c'est qu'on est maladroit ». Son angoisse principale n'est pas la blessure physique, mais de rater l'histoire en étant immobilisé, car « ​​​l'histoire qui est importante continue ». Au Vietnam, sa naïveté sur la guerre et ses enjeux s'est brisée lors d'une discussion avec un prisonnier nord-vietnamien francophone, qui lui a exposé l'idéologie de « l'ennemi ».  Le rôle de « sentinelle » face au déni Pour Patrick Chauvel, son métier a une dimension essentielle de transmission, car il travaille pour la « mémoire collective » et les livres d'histoire. Son cheval de bataille est de forcer le public à savoir, d'où son titre de « rapporteur de guerre », qu'il a donné à un de ses livres et un documentaire. Concernant les œillères du grand public, il est catégorique : « On ne savait pas, c'est pas recevable du tout. Si vous voulez pas savoir, c'est que vous n'avez pas envie de savoir ». Il considère que les journalistes agissent comme des sentinelles, alertant sur les dangers environnants. Les conflits récents, notamment la guerre menée en Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine, ont bouleversé l'approche des terrains où il a tant travaillé. En Ukraine se mélangent les combats de tranchées – rappelant la Première Guerre mondiale – et la « guerre des étoiles » menée par les drones. Ces derniers sont désormais responsables de 80 % des pertes sur le front, rappelle Patrick Chauvel, rendant l'accès aux premières lignes extrêmement difficile et dangereux, notamment pour les médias et leurs fixeurs. La transmission aux nouvelles générations Patrick Chauvel a fait don de son fonds gigantesque (480 000 photos, 1 000 heures de films) au Mémorial de Caen pour assurer la pérennité de son œuvre. Il voit dans cette transmission un rôle essentiel auprès des jeunes, notamment à travers des conférences dans les écoles, collèges et prisons. Le journaliste, décoré de la Légion d’honneur en 2025, appelle la jeune génération à ne pas tenir la paix pour acquise. « L'élément naturel de l'homme, c'est la guerre, c'est pas la paix. La paix, c'est un travail, c'est une éducation ». À ce titre, Patrick Chauvel a été sollicité par la Ligue de l'enseignement pour un projet itinérant intitulé « Décrypter la guerre, penser la paix », qui cherche encore des partenaires. Il résume ainsi son rôle et celui de ses confrères : « Les photos qui vont être dans les livres d'histoire sont les nôtres. Nos récits sont dans les livres d'histoire. Et donc il faut absolument qu'on transmette ça. On peut pas garder ça pour nous. » Son message aux aspirants reporters est de ne pas attendre d'être financés, mais d'aller sur le terrain et de s'y installer en optant pour un pseudonyme afin d'être moins exposés.
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  • Pourquoi l'OSINT est l'affaire de tout le monde : entretien avec Allan Deneuville
    Allan Deneuville, maître de conférence à l'université Bordeaux-Montaigne et chercheur au centre GEODE (Géopolitique de la datasphère), vient de publier OSINT : enquêtes et démocratie (INA éditions). Dans ce livre, il explore cette méthodologie d'investigation qui a explosé depuis une quinzaine d'années dans l'écosystème informationnel mais qui a aussi un côté sombre, la dark OSINT. L'acronyme OSINT, pour Open Source Intelligence (ROSO pour Renseignement d’origine sources ouvertes, en français), désigne la collecte et l'analyse d'informations accessibles à tous. C'est l'art de collecter et analyser des infos que tout le monde peut, en théorie, consulter. L'exemple des « Strava Leaks », en 2018, a montré la puissance du phénomène : en faisant leur footing, des soldats américains déployés en Afghanistan avaient sans le savoir cartographié méticuleusement des installations ultra sensibles. La pratique de l'OSINT n'est donc « pas qu'un truc de journaliste ni d'espion, c'est un peu l'affaire de tout le monde », résume Steven Jambot.  Le poison et le remède : la double nature de l'OSINT L'OSINT est devenue un enjeu démocratique majeur, une méthodologie protéiforme, à la fois salutaire et dangereuse. Pour en décrire la nature ambivalente, Allan Deneuville utilise la notion philosophique de pharmakon, un terme grec qui signifie qu’une substance est à la fois « remède et poison ». S'il est utilisé à une certaine dose, l'OSINT peut être bénéfique, mais si elle est utilisée « avec une mauvaise dose, elle peut être un poison ». Ce phénomène prend une ampleur inédite en raison de l'omniprésence des données dans notre environnement, un contexte marqué par la « documentalité » et l’« hyperdocumentation », qu'explique Allan Deneuville. En effet, grâce à la numérisation du monde et à l'hyperlien, « tout document, grâce à l'hyperdocumentation, est apporté de main ». Cette hyperaccessibilité a rendu l'OSINT incontournable. Elle repose sur le « bricolage » numérique, l'art de détourner, bricoler numériquement pour avoir accès à des informations en les croisant avec d'autres informations, en utilisant des données disponibles publiquement comme Flight Radar 24 ou MarineTraffic. Allan Deneuville propose une définition large pour englober ses multiples usages : « L’OSINT est une méthode potentiellement itérative et collaborative qui consiste en la collecte, l’analyse et l’exploitation systématique de documents et de données provenant de sources accessibles au public légalement, gratuitement ou non, dans le but de répondre à un besoin d’information. » La face sombre : Dark OSINT et fragilité démocratique Malgré son rôle crucial dans la lutte contre la désinformation (fact-checking) et pour l'émancipation citoyenne, l'OSINT possède une part sombre, désignée par l'auteur comme la « dark OSINT ». Celle-ci recouvre les usages antidémocratiques qui se manifestent, à l'échelle individuelle, par le stalking et le doxxing. Le doxxing, qui consiste à collecter et diffuser des informations privées dans le but de nuire, de harceler ou de menacer, ainsi que le « vigilantisme numérique », menacent l'État de droit.  À l'échelle étatique et géopolitique, l'OSINT révèle l'« asymétrie structurelle fondamentale » entre les démocraties et les régimes autoritaires. Les sociétés ouvertes sont paradoxalement plus vulnérables, car, comme le rappelle Deneuville : « Un des risques, c'est le fait que nos ennemis géopolitiques ont accès à nos informations et puisse s'en servir contre nous. » Les régimes autoritaires exploitent cette transparence pour mener des opérations d'influence et de surveillance de masse. De plus, l'OSINT est confrontée au risque d'instrumentalisation de ses propres codes visuels. Les enquêtes vidéo utilisent une « grammaire visuelle de la véridiction », qui peut être imitée par la propagande pour diffuser des contre-récits, notamment lors du massacre de Boutcha (Ukraine) ou de l'explosion de l'hôpital Al-Ahli (Gaza). Face à des vérités divergentes, la méthodologie doit s'accompagner d'un « regard réflexif ». L'OSINT : une compétence de base pour la résilience Pour Allan Deneuville, il est essentiel que l'OSINT soit couplée à l'enquête de terrain et à l'expertise. L'OSINT « ne se suffit pas en tant que telle ». La collaboration est nécessaire, il faut « travailler avec le terrain, [...] avoir accès à des spécialistes », pour mieux comprendre et analyser les données. En conclusion, l'apprentissage de l'OSINT devient un enjeu de citoyenneté et d'éducation. « Pour moi, il faut vraiment penser l'OSINT aujourd'hui comme une compétence numérique de base à enseigner au plus grand nombre », explique Allan Deneuville. Cet apprentissage est la clé de la « résilience de nos sociétés face à la désinformation et face aux manœuvres et aux ingérences étrangères ». Le Festival de l'OSINT, co-organisé par l'association OpenFacto, contribue à cette démocratisation, étant ouvert au plus grand nombre. Sa 3e édition se tient les 5 et 6 décembre 2025 à Paris.
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  • Contre la désinformation, comment mieux diffuser le fact-checking ?
    CFI, l'agence française de développement média, organisait à Paris début octobre la 2e édition des Rendez-vous de l'expertise MédiaDev, qui portait sur la lutte contre la désinformation. À cette occasion, Steven Jambot a animé une table ronde avec Ange Kasongo, fondatrice de Balobaki Check (RDC), Julien Pain, présentateur de l'émission Vrai ou faux sur France info, et Noël Kokou Tadegnon, cofondateur de Togo Check. En voici quelques extraits choisis. Face à la viralité de la désinformation, les stratégies traditionnelles de diffusion montrent leurs limites. C'est l'un des constats que les participants avaient en tête lors des Rendez-vous de l'expertise MédiaDev organisés le 9 octobre 2025 à Paris par CFI, l'agence française de développement média, filiale du groupe France Médias Monde, maison-mère de RFI. Trois journalistes fact-checkeurs avaient été réunis pour une table ronde animée par Steven Jambot : Julien Pain, rédacteur en chef à France info et présentateur de l'émission Vrai ou faux, Ange Kasongo, fondatrice de Balobaki Check en République démocratique du Congo (RDC), et Noël Kokou Tadegnon, cofondateur de Togo Check. Cet épisode de L'atelier des médias a été conçu à partir d'extraits des échanges qui se sont tenus ce jour-là.  Les trois intervenants rappellent les défis posés par la vitesse de circulation de la désinformation et le choix des plateformes. Une partie significative de la discussion porte sur l'utilisation de WhatsApp pour toucher des communautés spécifiques. Noël Tadegnon explique le travail de Togo Check avec les radios communautaires, notamment avec des humoristes qui s'emparent de sujets fact-checkés. Les panélistes rappellent la nécessité d'expliquer et de sensibiliser plutôt que de simplement décréter le vrai ou le faux. Julien Pain parle de son expérimentation de Twitch, il aborde également l'inquiétude grandissante face à l'intelligence artificielle générative qui pourrait rendre la distinction entre le vrai et le faux presque impossible, menant à une possible indifférence informationnelle. Enfin, Ange Kasongo mentionne l'importance de la collaboration entre fact-checkers (la Paff) et du nécessaire plaidoyer auprès des autorités pour améliorer l'accès à l'information.
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  • «L'envers de la tech»: Mathilde Saliou observe «ce que le numérique fait au monde»
    Alors que la COP30 se déroule à Belém, au Brésil, la journaliste Mathilde Saliou, auteure de L'envers de la tech, expose le coût réel de l'industrie numérique. Le secteur épuise nos ressources et pollue l'écosystème informationnel. L'industrie technologique a réussi à faire accepter, dans l'esprit commun, l'idée que ses services sont dématérialisés, explique la journaliste Mathilde Saliou qui déconstruit ce « mythe complet » dans son livre L'envers de la tech – ce que le numérique fait au monde (éditions Les Pérégrines, octobre 2025). « En fait, l'endroit où l'on envoie nos données, c'est un agrégat de choses très concrètes », rappelle-t-elle en citant data centers, câbles et autres équipements. L'extraction des métaux nécessaires à ces équipements engendre des drames humains. En République démocratique du Congo (RDC) par exemple, la quête du coltan participe à une économie militarisée. La journaliste alerte : « Miner, c'est à la fois, déjà, obliger des populations à travailler dans des conditions déplorables – quelquefois proche de l'esclavage – mais c'est aussi, dans le cas spécifique de la République démocratique du Congo, alimenter les conflits sur place. » Au-delà des mines, les infrastructures comme les centres de données participent à l'artificialisation des sols et aux conflits d'usage pour l'accès à l'eau et à l'énergie. Course à l'IA et pollution de l'information La frénésie pour l'intelligence articielle (IA) générative accélère cette consommation. Mathilde Saliou rappelle qu'une requête à un robot conversationnel « consommerait jusqu'à 10 fois plus d'électricité qu'une recherche par un moteur de recherche classique ». Cette course a rendu caduques les promesses de neutralité carbone des géants du numérique. Sur le plan de l'information, l'IA a donné naissance au phénomène de « boue d'IA » (AI slop), car « c'est aussi un outil qui permet de fabriquer énormément de contenus de faible valeur voir très médiocre, sans intérêt », rendant la recherche en ligne d'information de qualité plus difficile. De plus, Mathilde Saliou estime que le journalisme spécialisé dans ce secteur « manque d'esprit critique », masquant souvent les impacts au profit d'une lecture purement économique du progrès. Face aux velléités des dirigeants de la Silicon Valley, qui adoptent des logiques impériales et autoritaires, la régulation est essentielle, estime la journaliste. Pour elle, l'Europe ne doit pas plier aux pressions venues des États-Unis. L'espoir dans le care Pour reprendre la main face à cette situation, Mathilde Saliou invite à pratiquer une « éthique du soin », préférant la robustesse et la souplesse à la performance. Cela passe par le soin des outils existants (garder plus longtemps son smartphone, réparer son ordinateur au lieu de le remplacer) et le soin des liens sociaux dans le monde réel. Elle conclut en insistant sur la possibilité de débattre et de remettre en question les mythes de l'industrie : « On a vraiment le droit de questionner tous les discours liés à ces notions de progrès ». En construisant des « petites poches de numérique plus égalitaires », chacun peut contribuer à remettre la technologie à sa place d’outil et à œuvrer pour des sociétés plus démocratiques.
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  • Mortaza Behboudi: «Les fixeurs sont un pont entre la presse étrangère et les populations locales»
    L'atelier des médias reçoit le journaliste et documentariste franco-afghan Mortaza Behboudi, qui vient de publier Fixers: Reporters without Bylines, un livre qui raconte son quotidien de fixeur, ces locaux qui accompagnent les journalistes internationaux, parfois dans des pays en guerre. Dans cette conversation de plus de trente minutes, Mortaza Behboudi aborde le rôle méconnu et périlleux des fixeurs. Il publie Fixers: Reporters without Bylines (PICT Books), un livre cosigné avec l'Ukrainienne Oksana Leuta qui expose cette réalité. Un fixeur est celui qui accompagne les journalistes étrangers sur des terrains complexes, servant de pont entre la population locale et la presse étrangère. Ils facilitent le travail (traduction, logistique, contacts) de reportage. Mortaza Behboudi résume avec ironie : « J'ai l'impression faire du babysitting des journalistes étrangers en Afghanistan. » Beaucoup de fixeurs afghans sont des journalistes locaux ayant perdu leur emploi, notamment depuis la chute de Kaboul, rappelle-t-il. Le livre, écrit en anglais, met en lumière le manque crucial de reconnaissance et de protection des fixeurs. Ce métier « hyper dangereux et essentiel » est trop souvent exercé sans contrat ni assurance et payé « au black », explique Mortaza Behboudi, qui dénonce la minimalisation du rôle des fixeurs, souvent réduit à celui de simple traducteur une fois la mission terminée. Le risque sécuritaire est omniprésent : les fixeurs sont souvent accusés d’espionnage, comme ce fut le cas de Mortaza en 2023, lorsqu'il a été arrêté par les talibans puis a passé 9 mois en prison. Aussi, Mortaza préfère parfois « réécrire les questions, adoucir les questions » des journalistes occidentaux afin de ne pas se mettre en danger. Mortaza Behboudi appelle les médias à la sensibilisation. Il insiste pour que les fixeurs obtiennent des contrats et soient cités, car « sans les fixeurs, il y aura aucun reportage » Mortaza Behboudi interviendra le samedi 15 novembre à l'événement Informer le monde de demain organisé pour les 40 ans de Reporters sans frontières (RSF), à la Gaîté lyrique.
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Acerca de Atelier des médias

L'atelier des médias est une émission d'entretiens et de reportages à l’écoute des r/évolutions des médias à l'ère numérique. Elle est présentée par Steven Jambot et réalisée par Simon Decreuze. En podcast chaque samedi ; diffusion radio sur RFI le dimanche à 11h10 TU. Contact : [email protected]
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